les carrières de granulat

Carrière du Deffens à Tourtour

A l’attention de Monsieur le Commissaire enquêteur,

La présente demande de l’entreprise Giraud doit être regardée avec soin car il s’agit tout à la fois :

- d’une entreprise (5 emplois, le père et ses 4 fils) réellement tourtouraine puisque la famille Giraud vit dans le village,

- des besoins en granulats pour l’économie des environs,

mais aussi

- d’une carrière située très près de la source alimentant en eau la commune,

- d’un village qui vit essentiellement du tourisme,

- de sécurité routière,

Et tout ceci dans le contexte d’élaboration du PLU, dont la première réunion publique du 11 juin 2013 a présenté le diagnostic.

La carrière du Deffens, c’est actuellement, depuis l’arrêté préfectoral de 2008, l’autorisation de prélever jusqu’en août 2013 10 000 tonnes de granulat par an. La présente demande représente une modification importante puisqu’elle consiste à porter le tonnage à 50 000 tonnes par an en moyenne (avec un maximum de 80 000 tonnes) sur une surface d’extraction identique mais en creusant de 32 m de plus en profondeur.

Fragilisation de la source

La source du Saint-Rosaire est la source alimentant en eau potable le village et les écarts (à l’exception de St Pierre).

Se rapprocher du niveau de la source, c’est objectivement la fragiliser en réduisant la hauteur de filtre au dessus, alors que l’exploitation nécessite gasoil et huile pour les engins. Évidemment les précautions sont prises (plate-forme, kit) mais un accident reste toujours possible, comme par exemple un robinet de cuve laissé ouvert après un vol de gasoil.

Comme il n’y a pas de rareté de la ressource de granulat du fait de la présence d’autres carrières sur Tourtour et Aups, il est inutile de prendre le risque de creuser sur 30 mètres (altitude  actuelle 698 m) en ne laissant que 3 m au dessus du niveau des hautes eaux de la nappe phréatique (665 m).

Limiter par précaution la profondeur autorisée, c’est par voie de conséquence arithmétique limiter la quantité d’extraction autorisée.

Un marché local insuffisamment connu

Pour être éclairé de façon plus précise, il serait utile qu’en votre qualité de commissaire enquêteur, vous puissiez apporter des réponses aux questions suivantes (en bleu dans le texte), éléments dont ont connaissance les services de l’Etat, la Mairie ou l’entreprise.

Quels sont réellement les besoins en granulats du marché local : on estime que la consommation est en moyenne de 7,5 tonnes par an et par habitant (en incluant bien sûr les infrastructures telle la construction des routes) et qu’au-delà de 30 km de transport par camion, le coût pour la collectivité devient irrationnel (bilan carbone du transport, dégradation des routes très coûteuse pour la collectivité). Des autorisations supérieures aux besoins locaux contrediraient de cette cohérence collective.

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Des carrières de très grande capacité sont en exploitation dans la région de Draguignan (plus de 2 millions de T). Le marché local pour Tourtour concerne vraisemblablement les petites agglomérations comme Aups, Salernes, Entrecateaux, Villecroze, Ampus… avec probablement une moyenne inférieure à 7.5 t / habitant en l’absence d’urbanisme important.

Pour la clarté il serait bien de connaître les tonnages respectifs commercialisés par destination, à partir de Tourtour. Le tonnage réel peut-être inférieur au tonnage autorisé (ou exceptionnellement supérieur en cas de gros travaux d’infrastructures).

On note que le tableau des carrières du Var 2013 (au 31/12/2012) ne comporte pas l’autre carrière exploitée depuis 2011 par M. Giraud pour 90 0000 T.

Des comptages routiers sont effectués ; pourquoi ne pas en connaître les résultats ? Il paraît que le trafic des camions n’est pas identifié : est-ce le fait d’une utilisation incomplète des données recueillies ou du fait d’un matériel de comptage insuffisant ?

Un village essentiellement touristique

Naturellement protégé par son éloignement des grands axes de circulation, Tourtour a conservé son charme lié à sa beauté architecturale et à ses paysages de « village dans le ciel ». Classé parmi « les plus beaux villages de France », au nombre de 4 dans le Var, Tourtour vit du tourisme depuis les années soixante. Cette activité touristique est constituée de divers éléments : tourisme de villégiature avec environ 400 villas, qui deviennent (pour 1/3 environ) des résidences principales avec l’âge de la retraite, tourisme de passage et enfin tourisme local quand on monte à Tourtour passer un moment avec les amis ou la famille. C’est ce tourisme qui apporte les ressources fiscales et a permis le développement du commerce qui profite à tous.

Le nombre d’hôtels parfois de haut de gamme, de gîtes et chambres d’hôtes, de restaurants, de galeries d’art, de boutiques de mode témoigne de cette économie du tourisme. La population du village est passée de 406 habitants en 1901 à seulement 168 en 1962 pour retrouver un seuil de viabilité avec 589 habitants aujourd’hui. Sans le tourisme Tourtour serait moribond.

Si globalement les carrières ne dénaturent pas le paysage, c’est le transport de livraison qui peut nuire à cette vocation touristique, à la fois par les nuisances qui s’entendent de loin (bruit du passage des camions, des freins et des klaxons) et encore plus l’insécurité quand on croise les camions. Cet état de fait peut dérouter les visiteurs, les vacanciers en location, les acheteurs… Autrement dit cette perte de tranquillité peut entraîner qu’on ne revienne pas à Tourtour pour un nouveau séjour ou une nouvelle visite. C’est le risque de couper la branche sur laquelle le village a assis son économie.

En comparaison, il serait intéressant de connaître le montant des impôts locaux payés annuellement par l’entreprise.

La sécurité routière

Les routes départementales D 51 et D 77 (limitées à 12 T) sont mal adaptées au trafic routier de camions, du fait de l’absence d’une largeur constante de la chaussée, de l’étroitesse des voies (sans ligne médiane), de l’absence de visibilité en raison des nombreux virages.

Les risques de collisions liés au gabarit des voies font partie des éléments pris en compte par le Préfet dans le cadre des mesures de sécurité publique relevant de ses attributions.

 

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Il faut dire que le fort accroissement du nombre de camions (sans doute depuis 2011 les capacités d’exploitation étant passées de 60 000 T (50 0000 T de Bresc et 10 000 T Giraud) à 150 000 T avec la nouvelle autorisation au Ginestet pour l’entreprise Giraud) a considérablement augmenté la probabilité et donc l’anxiété de rencontrer un camion notamment dans certains virages où il est matériellement impossible de se croiser. Même prudents, les camions font face aux touristes non avertis. Un grave accident n’est malheureusement pas à exclure et le risque augmente en proportion du nombre de camions.

C’est sans doute la portion de route en arrivant à Saint-Pierre et la portion centrale des 7 km vers Flayosc qui sont les plus dangereux en raison des virages étroits et sans visibilité. On dit que le Conseil général ne prévoit pas de continuer les travaux faits en 2008 (600 000 €) pour élargir les virages sur les 3 premiers km, en raison de l’absence constatée d’accidents et du trafic limité sur cette route secondaire.

Si on considère qu’en moyenne un camion emporte 19 T de charge utile, le nombre de passages de camions par jour (sur 220 jours ouvrés par an) qui était de 29 avant 2011 pour 60 000 T ; est actuellement de 72 (150 000 T), passerait à 91 avec la présente demande (190 000 T), et pourrait atteindre 120 (ou 91 avec une moyenne de 25 T par camion) pour 250 000 T dans le cadre des maxima de 80 000 T pour les demandes simultanées actuelles (de Bresc et Giraud).

L’impact cumulé change radicalement la donne.

Le contexte du PLU

L’absence de PLU ne permet pas de se prononcer sur les demandes d’extension en surface des 2 carrières exploitées par M. Giraud. Ces extensions futures seraient justifiées par l’épuisement de la carrière du Pilabre après 2016, date de la fin d’autorisation exploitation (cf. renseignement lu dans l’étude d’impact de l’autre demande, celle de l’entreprise de Bresc)

La demande n’est pas proportionnée au contexte d’attente du PLU.

Pourquoi une autorisation d’extraction 5 à 8 fois supérieure à l’actuelle de 10 000 T, alors que la reconduite du tonnage actuel permettrait la continuité de l’entreprise Giraud, qui exploite par ailleurs une autre carrière sur Tourtour autorisée pour 90 000 T depuis 2011 jusqu’en 2016.

Une autorisation de 5 ans pour 10 000 T sur une profondeur de 5 m serait donc suffisante, permettant à l’entreprise Giraud de continuer son activité dans les mêmes conditions qu’actuellement, en attendant de pouvoir présenter ses demandes d’extension avec le PLU.

Conclusion

La préservation de la source devrait conduire à limiter la profondeur autorisée et donc les quantités en tonnage et la durée en sachant que l’adoption du PLU dans les deux ans permettra de se prononcer sur les deux extensions de carrières sollicitées par M. Giraud. Une extension de surface est probablement plus précautionneuse pour la source.

Par ailleurs l’activité des carrières doit être compatible avec l’économie du tourisme du village et l’état du réseau routier. Ici encore l’élaboration du PLU avec son analyse et le plan de développement durable qu’il implique sera un cadre approprié permettant de traiter simultanément la question des deux carrières avec une vue d’ensemble.

Le choix d’une autorisation limitée (10 000 t par an, durée cinq ans et profondeur en proportion) permettrait de laisser le temps à un projet cohérent dans le cadre du PLU.

Nicolas Milosevic, le 18 décembre 2013

Pour information : le commissaire enquêteur a publié  le 15 janvier 2014 son rapport et ses conclusions motivées, ces deux documents sont consultables en cliquant sur le lien ci-dessous.

 Rapport d’enquête publique

 Conclusions motivées du commissaire enquêteur

lien vers le dossier complet :

 www.var.gouv.fr/carriere-lieu-dit-grand-defens-a3560.html